L’école, corvée ou plaisir d’apprendre ?

Si je repense à ma scolarité, la première idée qui surgit c’est que oui, vraiment, j’aimais bien aller à l’école. Et, comme j’eus toujours à nouveau l’occasion de le constater, cela n’est pas évident pour tout le monde. Bien que toute ma scolarité se soit passée à l’école Steiner, j’étais souvent en contact avec des élèves de l’école publique, ne serait-ce qu’à travers toutes mes activités extra-scolaires. Et j’étais toujours de nouveau amenée à prendre conscience que j’étais privilégiée de pouvoir grandir et apprendre dans un milieu où l’on peut s’épanouir sans subir la pression  de la performance. Et en échange, je pouvais sans problème accepter d’être un peu traitée de haut par des élèves de l’école publique en un temps où l’école Steiner avait encore un peu la réputation d’être une école pour les « niaiseux » (les retardés). Oui, moi j’allais avec plaisir à l’école alors que pour beaucoup d’élèves de l’école d’état, l’école était une corvée, un fardeau.

Des contenus en rapport avec l’âge des enfants

Oui, j’allais avec plaisir à l’école mais pourquoi, finalement ? Pour moi, en tant qu’enfant et plus tard en tant que jeune, cela avait beaucoup à voir avec la multiplicité des disciplines, l’intensité des périodes d’enseignement mais aussi avec la relation qui nous liait aux enseignants eux-mêmes. J’ai eu la chance d’avoir un professeur de classe que je pouvais admirer et aimer. Et du fait que le professeur de classe accompagne les élèves pendant des années, une relation profonde se crée et dans le cas idéal il s’ensuit une connaissance réelle de l’enfant. Que cet enseignant agisse sur la base d’une compréhension profonde de l’être humain, cela, en tant qu’enfant, je ne le savais évidemment pas encore. De même que je ne savais pas que bien des aspects de l’organisation du cours de l’année scolaire comme des enseignements étaient tout à fait consciemment le fruit d’une connaissance du sens de  la répétition et du processus de la respiration. Mais comme élève des grandes classes, je pouvais moi-même ressentir que beaucoup des contenus qui nous étaient transmis faisaient sens, ils touchaient en nous les jeunes exactement les bonnes cordes et ils nous nourrissaient. Il y eut beaucoup de périodes au cours desquelles, en tant que communauté de classe, nous nous sommes posé des questions fondamentales, essentielles et efforcé de trouver des réponses. Je me souviens tout particulièrement des projets intenses que nous avons menés.

TUER LE TEMPS

Une fois encore j’ai été  vraiment reconnaissante pour tout le temps passé à l’école Rudolf Steiner, surtout lorsqu’il m’a fallu encore traîner deux ans au lycée d’état pour obtenir le papier nécessaire à l’entrée à l’Uni. Et quand je dis traîner, c’est franchement ce que je veux dire car c’était presque comme une peine à purger et mis à part quelques moments d’exception, il y avait pour des jeunes gens peu d’occasions de nourrir son intelligence et de découvrir du sens. Des années plus tard, après avoir beaucoup vécu et être parti à la découverte de ce monde, je suis moi-même devenue mère. Pour moi, c’était très clair que je souhaitais pour mon enfant la même expérience que j’avais moi-même vécue et c’est pourquoi mon enfant va lui aussi dans une école Rudolf Steiner. Là, il peut s’épanouir à son propre rythme. Il est vraisemblable que plus tard il ne commencera pas une rédaction  comme je l’ai fait car pour parler très franchement, mon fils ne va pas à l’école de bon cœur. Il sait qu’on doit aller à l’école et donc il le supporte mais il serait plus heureux s’il pouvait lui-même choisir ce qu’il veut apprendre. Malgré tout, quand il revient à la maison il raconte toujours de nouveau avec enthousiasme ce qu’il a appris pendant les cours. Et je remarque qu’il a reçu quelque chose qui le nourrit, comment les choses en rapport avec son âge sont discutées et qu’à travers cela il peut se développer de façon saine.

Si l’école, en tant qu’institution telle qu’on l’entend encore aujourd’hui, a encore sa raison d’être, c’est une question qu’il faudra poser et résoudre dans un avenir proche. Jusque là, une école qui s’appuie sur une compréhension de l’être humain dans sa totalité, qui offre un espace pour se développer sans pression et qui travaille énergiquement à partir de la relation, une telle école pour moi qui suis mère, est exactement l’école qu’il faut pour mon enfant.

 

Interview réalisé pour le journal des Ecoles Steiner de Suisse - octobre 2015