Mise en scène d’expériences partagées
Mariée. Mère de deux enfants (jardin d’enfants et groupe de jeux). A fréquenté l’école Rudolf Steiner de 1986 à 1998 (1-12 ème cl.). Une année de stage et de préparation. Formation à la Haute Ecole Technique FH de Wädenswil pour devenir gestionnaire en économie. Activité professionnelle dans le domaine de la santé. (Gestion stratégique et opérative dans les domaines des infrastructures). Aujourd’hui, formatrice à l’école des cadres du bâtiment de St.Gallen pour la gestion de l’accueil et experte aux examens.
« Frau Eggiman, vous avez vous-même fréquenté l’école Rudolf Steiner pendant 12 ans. Quelques réflexions vous ont conduite à la décision d’envoyer vos propres enfants également à l’école Steiner ? »
L’approche d’ensemble de la méthode de l’école Rudolf Steiner (Pédagogie Waldorf) me convient tout à fait. Je ne souhaite pas que nos enfants reçoivent une formation exclusivement intellectuelle. Moi-même j’ai vécu cette approche comme une façon naturelle et respectueuse de la réalité enfantine pour renforcer le devenir et la croissance d’une compétence sociale digne de confiance. Et c’est exactement ce que mon mari et moi recherchons pour nos enfants.
Comme élève, j’ai toujours ressenti l’intérêt que les enseignants me portaient, pour moi, en tant qu’être humain et pas seulement leur intérêt pour le contenu de ce qu’ils devaient nous transmettre. (Ceci ne veut pas dire que les enseignants des écoles publiques ne manifestent pas eux aussi cet intérêt mais les exigences actuelles des programmes font qu’ils se sentent souvent pris à la gorge).
Lorsque j’arrive à l’école pendant les heures de cours, je fais toujours l’expérience que quelque part on est en train de faire de la musique, de chanter ou de réciter. Lors d’une telle visite j’écoute le cours et à chaque fois j’ai la preuve qu’ici on s’adresse vraiment « à la tête, au cœur et aux mains » !
Avec le recul, je suis consciente que cette manière d’enseigner à l’être tout entier de l’enfant et du jeune que j’ai été a fait naître ce sentiment : « J’ai le temps, j’ai assez de temps ! ». Cette réalité a créé en moi un sentiment du temps qu’on peut vivre, sans stress.
Je ne me suis jamais sentie bousculée par la vie.
Mon mari et moi avons participé aux soirées d’information de l’école publique et de l’école Steiner pour le jardin d’enfants. C’est après ces deux séances d’information que nous avons choisi finalement l’école Rudolf Steiner. Les jardinières d’enfants de l’école publique avaient pendant pratiquement tout le temps de leur présentation, le plan scolaire en mains afin de pouvoir sans cesse s’y référer. Et la plupart du temps, il s’agissait de citations avec des « Il faut » comme, par exemple, « Il faut que les enfants puissent nouer tout seuls leurs lacets…il faut qu’ils puissent mettre leur manteau tout seuls, tout seuls, être indépendants…etc. »
« En tant que futur parent d’école Steiner, quelles sont vos attentes ? »
Je souhaite que nos enfants se sentent bien à l’école Rudolf Steiner, aussi heureux que je l’ai été moi-même. Et j’espère qu’à la fin de leur scolarité, ils possèdent un sac à dos dans lequel ils pourront emporter jusqu’à la fin de leur vie :
- une vision qui embrasse le monde dans sa totalité
- un intérêt éveillé pour tous les domaines de la vie
- beaucoup d’expériences positives de leur jeunesse et de leur enfance car des expériences précieuses ne peuvent pas se perdre et elles peuvent toujours être tirées du sac à dos dans les situations difficiles de la vie.
« On entend souvent dire : Le plus impressionnant dans une école Steiner, ce sont les pièces de théâtre, les différents camps et les stages. Est-ce aussi le cas pour vous ? »
Oui, mais pas seulement ! La pièce en 10ème : La vague (die Welle) m’a profondément marquée. (Contenu : un enseignant aux USA « joue » avec les jeunes de sa classe l’expérience de masse du mouvement nazi). Depuis cette mise en scène tous les mouvements de masse, les rassemblements de foule éveillent en moi des sentiments de malaise et de rejet. Pendant les répétitions et les représentations j’ai senti soudain la force de ma propre pensée, j’ai appris à penser par moi-même et je suis devenue consciente de ma propre individualité ! Cette mise en scène a été une de ces expériences partagées vécues à l’école Rudolf Steiner que je pourrais qualifier de « qualité spécifique de l’école Steiner ». Actuellement avec mes étudiants je mets souvent en scène des « expériences vécues». Ces expériences vécues ensemble créent pour la vie professionnelle de tous les jours des fondements stables qui leur permettront à l’avenir d’être des personnes responsables.
Remarques pour terminer
Quitter l’école Rudolf Steiner avant la fin de la 12ème année scolaire c’est pour moi comme si au théâtre on partait avant la fin !
Je souhaite à l’école Rudolf Steiner plus de courage côté professionnalité, par ex. en ce qui concerne :
- le marketing
- les journées Portes Ouvertes
- le fait d’aller chercher de façon plus professionnelle des personnes qui s’intéressent à la pédagogie Waldorf
- l’ouverture et la transparence (s’y exercer sans relâche !)
En outre, j’espère qu’il y aura plus d’élèves quittant les écoles Steiner s’engageant dans des professions de la vie économique.
Interview réalisé pour le journal des Ecoles Steiner de Suisse - octobre 2015